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16.04.08 Transport spatial habité : Quelle voie pour l'Europe ?
 

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Maintenant que l'Europe est présente sur la Station spatiale avec le laboratoire scientifique Columbus et l'ATV, les activités européennes de vols habités sont entrées dans une ère nouvelle. Alors, quelle suite donner à ces 2 programmes emblématiques ? A quelques mois de la Conférence ministérielle de l'ESA, se pose la question de doter l'Europe d'une capacité de transport spatial habité.

Très clairement nous disons NON et nous expliquons pourquoi.


Schéma actuel


Le programme de la Station spatiale est à un tournant de son histoire. Aujourd'hui, seuls les Japonais et les Européens ont réfléchi à une utilisation scientifique de la Station. Les Russes sont bien plus préoccupés par l'avenir de leurs lanceurs (modernisation, évolution et nouveau lanceur). Quant aux Américains, ils ont tout simplement annoncé que la Station n'était plus leur priorité. En 2015, ils viseront la Lune et s'en désengageront.

Aujourd'hui, l'Europe est copropriétaire de la Station à hauteur de 15%. En échange de cette contribution, un astronaute de l'ESA peut séjourner à bord pour une mission de longue durée par an. Toute la question est de savoir comment on organise son transfert entre la Terre et la Station. Or, dans ce schéma, il n'est pas justifié de développer un véhicule habité pour envoyer cette seule personne dans l'espace. Cela ne se justifie pas par un besoin technologique ou scientifique et ca n'a aucun sens économique.

Il est important de comprendre que cet article se base sur la situation actuelle. Or, avec le retrait des Américains, se pose la question de l'avenir de la Station et de sa desserte. Les 3 scénarios qui se dessinent aujourd'hui nécessiteront évidemment une approche différente de celle d'aujourd'hui. C'est seulement en 2012 que l'on y verra plus clair.

- Soit on la désorbite ;
- Soit on la coupe en 2. On désorbite la partie américaine et on intègre à la partie russe un nœud de jonction, Columbus et la coupole ;
- On garde la Station en l'état et l'Agence spatiale européenne partage avec les partenaires restants les charges qui incombent aujourd'hui à la NASA.

La Session 2008 du Conseil de l'ESA au niveau ministériel

Concernant le volet transport spatial habité, l'ESA va très certainement décider de financer quelques études exploratoires, voire des démonstrateurs de façon à faire la liaison jusqu'en 2012 année charnière pour le programme des vols habités : La question sera : un véhicule habité oui, mais pour aller ?

Capacités européennes

En matière de vol habité, l'Europe a acquis ces dernières années une certaine expérience. Pour Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l'ESA, 'l'amarrage de l'ATV et l'intégration de Columbus à la Station constituent une démonstration spectaculaire des capacités de l'Europe sur la scène de l'exploration spatiale internationale'.

Bien que le projet d'avion spatial Hermes ait été abandonné en 1992, l'Europe ne part pas de zéro. Loin s'en faut. Depuis 1992, des études exploratoires ont continué d'être menées et certaines d'entre elles ont débouché sur des projets concrets, comme par exemple le démonstrateur de rentrée atmosphérique ARD, lancé en octobre 1998, la participation de l'ESA au programme X-38 de la NASA, le projet Phoenix qui en 2004 a exploré les phases critiques du lancement et de l'atterrissage ou encore l'aventure Huygens.

L'ARD, que l'on peut qualifier de mission 'low cost' a surtout été une démonstration de ce que l'on sait faire avec une technologie plutôt ancienne. La démonstration résidait plus dans la précision du guidage de la rentrée que dans les technologies de bouclier ablatif qui n'avaient rien d'innovant.

Quant au X-38, il s'agissait d'un démonstrateur qui devait préfigurer le véhicule de secours des équipages (CRV) de l'ISS. Bien qu'abandonné en 2001 par la NASA, l'ESA était impliquée notamment dans la conception du nez.

Mais c'est surtout, la formidable descente de Huygens dans l'atmosphère de Titan et son atterrissage sur sa surface qui a démontré les capacités de l'Europe à concevoir un bouclier thermique capable de s'affranchir des conditions propres à une atmosphère, en l'occurrence celle de Titan. Bien que cette atmosphère ne soit pas représentative de celle de la Terre, Huygens a ouvert la voie à la maitrise des technologies de rentrée atmosphérique qui seront définitivement acquises avec les démonstrateurs comme Pre-X qui vise à la maîtrise de la rentrée atmosphérique planée (2009) et une meilleure connaissance sur les matériaux les plus récents utilisés pour les boucliers de rentrée (C-C et C-SiC). La technologie existe en France et en Allemagne, mais à proprement parler l'Europe ne l'a pas réellement démontrée en vol.

Rampe de lancement historique

Avec le programme ATV, qui a permis des avancées importantes, l'Europe a une rampe de lancement que l'on peut qualifier d'historique pour se lancer dans la conception d'un système de transport spatial habité dans les meilleures conditions. Jean-François Clervoy, Senior Advisor Astronaut sur le projet ATV : 'l'ATV est l'engin le plus complexe jamais construit en Europe. Il répond à des normes de sécurités que l'on impose aux vols habités alors qu'il s'agit d'un véhicule entièrement automatique'. Enfin, et paramètre non des moindres, la plupart des équipes de ces programmes sont encore en place.

Autrement dit, pour Christophe Bonnal, Expert senior à la direction des lanceurs du CNES : 'l'Europe est tout à fait capable de développer son propre système de transport spatial', il existe aujourd'hui aucune barrière technologique pour empêcher son développement dans des délais raisonnables. 'Il pourrait être fait entre 5 et 10 ans'.

Pas de besoin scientifique et/ou technologique

Dans le schéma actuel, si l'ESA veut envoyer ses astronautes, elle a tous les moyens pour le faire. Entre les navettes (puis Orion) et les capsules Soyouz ce n'est pas le choix qui manque. Les 15 à 20 millions d'euros que coûte une place sur un Soyouz sont une somme négligeable au regard des 2 à 3 mds d'euros envisagés pour un système européen. Alors pourquoi développer un système pour faire la même chose ?

A moins d'avoir un problème majeur entre la Russie et les Etats-Unis (et en même temps !), la capacité européenne d'envoyer ses astronautes dans l'espace n'est pas menacée. On est loin du contexte qui avait conduit l'Europe, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, a démarré le programme Ariane en 1973. Souvenez, le lancement du satcom Symphonie par les Etats-Unis était conditionné à la signature d'une clause de non concurrence envers l'américain Intelsat.

Une coopération internationale n'est également pas envisageable car si l'Europe a un besoin d'autonomie, ça n'a aucun sens d'en développer un en coopération avec la Russie, le Japon ou la Chine. Les Etats-Unis ont très clairement dit que leur système futur, basé sur les lanceurs Ares et les capsules Orion se ferait sans coopération internationale. C'est également la voie choisie par la Chine qui aurait très bien pu s'associer à la Russie ou l'Inde mais qui pour une question de prestige national a décidé d'y aller seule.

Démonstrateurs

Autre bémol, le budget de l'ESA dédié aux vols habités est de 6 à 13 fois inférieur à celui de la NASA selon que l'on intègre le civil et/ou le militaire. Autrement dit, l'Europe a bien mieux à faire de cet argent. Il serait plus bien plus pragmatique et préférable de faire des démonstrateurs de technologies avancées pour que cela serve à Ariane ou aux futurs missions d'explorations robotiques du Système Solaire qui s'annoncent plus ambitieuses et de fort tonnage. Une ambition qui nécessitera un très haut niveau d'autonomie, d'intelligence artificielle et capable d'aller et faire des choses impossibles aujourd'hui :

- Forer les surfaces sur plusieurs mètres ;
- Atteindre l'océan d'Europe ;
- Atteindre des sites martiens accidentés et se déplacer toujours plus vite ;
- Atterrir sur Vénus et rester opérationnel quelques jours ;
- Evoluer dans les atmosphères martiennes, vénusiennes ou celle de Titan ;
- Récupérer des échantillons d'astéroïdes de comètes, des geysers d'Encelade ;
- ... .

Concernant la filière Ariane, les idées ne manquent pas pour préparer son avenir de façon à réduire le coût de l'accès à l'espace, pérenniser l'activité d'Arianespace et conforter sa place de numéro 1 sur le marché des lancements commerciaux. Pour Christophe Bonnal qui planche sur les évolutions possibles de l'Ariane 5 ou son successeur, la mise au point de ces solutions du futures nécessitera 'Des démonstrateurs de propulsions nouvelles, des technologies de rentrées atmosphériques, des composants de prochaines générations'.

Cependant, il faut compter avec les industriels européens qui, bien évidemment, ont une tout autre approche de la question. Pour Astrium, Thales Alenia Space et les autres acteurs du secteur, la préférence va vers un moyen européen autonome d'accès à l'ISS, à défaut, ils se rabattraient vers une évolution de l'ATV, dont la conception modulaire a largement été soulignée lors du lancement, vers un véhicule de transfert d'équipages, par exemple.

François Auque, PDG d'Astrium, a très clairement indiqué la voie dans laquelle il souhaite s'engager. 'Ce troisième succès n'est qu'une nouvelle étape. L'arrimage du Jules Verne ouvre la voie vers de futures adaptations du produit ATV. La conception de l'ATV permet d'envisager des évolutions d'utilisation comme la capacité de ramener sur Terre des expériences, des équipements ou des personnes'. Ajoutant, ' Il est de la plus haute importance que le développement de tels systèmes constitue l'un des points forts de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA qui se tiendra d'ici à la fin de l'année 2008'.

Du côté de Thales Alenia Space, la position est similaire. Les Italiens de TAS, fort des 3 modules logistiques polyvalents MPLM, de la coupole et des structures pressurisées du laboratoire Colombus et de l'ATV, planchent également sur des concepts évolués de l'ATV.

Trains spatiaux

Une des aspects les moins connus de l'utilisation humaine de l'espace concerne le retour d'orbite de tout ou partie d'une charge utile. Aujourd'hui, les capacités européennes sont nulles. Seules les navettes et les capsules Soyouz et dans une moindre mesure les Foton sont capables de redescendre sur Terre des expériences ayant séjourné dans l'espace.

Cet aspect de l'utilisation de l'espace est appelé à se développer. Il serait intéressant pour l'Europe de se positionner sur ce segment en développant des capacités telles que la maîtrise de la transition orbite / atmosphère, la rentrée planée ou les protections thermiques chaudes pour maîtriser le retour des hommes et du matériel. Cette étape serait un tremplin idéal pour le développement de 'trains spatiaux' qui préfigurent l'exploration humaine et robotique de la décennie prochaine et qui passe par le développement de systèmes capables, de revenir sur Terre, de pénétrer dans d'autres atmosphères, d'effectuer des rendez-vous, des manœuvres en orbite terrestre et autres orbites, des systèmes de services en orbite et de stockage en orbite.

Les relations entre l'ESA et l'Union européenne

On assiste depuis quelques années un rapprochement entre l'Agence spatiale européenne et la Commission Européenne sur les grands projets comme Galileo ou GMES qui soit dit passant n'auraient pas été possibles sans cela.

Or, à une époque où de nouvelles puissances affichent des ambitions et des capacités élevées en matière spatiale, l'Europe ne peut pas se permettre de négliger les avantages économiques et stratégiques de l'espace pour ses citoyens. Elle se doit de se garantir un accès autonome à l'espace. Pour l'Union Européenne, cet 'accès indépendant et rentable à l'espace reste un objectif stratégique pour l'Europe'. En affirmant cela, l'Union Européenne jette les bases d'une politique spatiale européenne globale qui ne pourra pas faire l'économie d'un débat sur la place de l'homme dans l'espace.

Pour Henri Revol, sénateur français 'à long terme, l'intérêt n'est pas la présence de l'homme en orbite terrestre. L'homme dans l'espace n'a vraiment de sens que pour l'exploration des autres planètes'. Autrement dit, il convient dès à présent de réfléchir à ce qui suivra la Station spatiale internationale, à partir de 2015 et d'envisager de doter l'Europe d'une capacité de transport spatial habité mais seulement à l'horizon 2025 / 2030.

Partant de ce point de vue, il sera intéressant d'analyser a position de l'Union Européenne lors de la Conférence ministérielle de l'ESA en fin d'année.

Mais là aussi rien n'est simple. On a pu s'en rendre compte avec les marchandages autour du programme Galileo.

Les périmètres d'action des deux organisations ne sont pas identiques (ce qui peut être réglé par des accords bilatéraux) mais surtout, il faut prendre en compte le devenir des agences nationales (principalement CNES, DLR et ASI). Quand l'Esa a été créée, il n'y avait pas d'Union européenne, pas d'industrie spatiale, pas d'euro.

Pour Jacques Blamont, s'exprimant dans le mensuel français La Recherche : 'C'est donc aujourd'hui une institution non adaptée à la situation politique actuelle. Il faut inventer une nouvelle structure ayant des liens institutionnels adéquats avec le conseil d'une part et la Commission de l'autre. La future agence doit être le bras séculier de l'exécutif, comme la NASA aux Etats-Unis, JAXA au Japon ou ISRO en Inde. Et les agences nationales devraient être refondues à l'intérieur de cette nouvelle structure'.

Explications

Certains Etats membres de l'ESA ne font pas partie de l'Union Européenne (la Norvège et la Suisse par exemple). Or, l'ESA fonctionne sur la base d'un 'retour géographique', ce qui signifie qu'elle investit dans chaque État membre, sous forme de contrats attribués à son industrie pour la réalisation d'activités spatiales, un montant équivalant à peu près à la contribution de ce pays. 'Aussi performante soit-elle, l'ESA - par la nature même de ses statuts et de son histoire - est une agence intergouvernementale', explique M. Poncelet, 'ce qui signifie qu'elle ne bénéficie pas d'une délégation de pouvoir de ses états membres. Nous ne pouvons donc faire que ce que ces derniers nous autorisent ou nous demandent de faire. Au contraire, la création de l'Union Européenne répond notamment à une volonté de supranationalité qui a été instaurée par un traité. Les institutions de l'UE peuvent prendre des décisions d'une manière autonome sans consulter à chaque fois les états membres, tout en agissant en leur nom'.



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