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24.12.08 Il y a 40 ans, de la Terre à la Lune
 
Dans la course à la Lune qui opposait Américains et Soviétiques dans les années 60, tout se joua en décembre 1968. Moscou avait un avantage: comme tout était médiatisé aux USA, l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) savait (presque) tout sur l'avancement du Programme Apollo. Toutes les missions Apollo étaient entourées d'une grande publicité et le public se passionnait pour les exploits des astronautes de la NASA. Par contre, du côté de l'URSS, on entretenait le mystère et le suspense... En l'absence d'informations précises sur ce qui se tramait dans le système militaro-industriel disséminé en Russie et en Ukraine, l'on pouvait tout imaginer sur ses activités " top secret "…

Tant l'Amérique que l'Union Soviétique commencèrent avec des tragédies la préparation de leurs systèmes pour des vols habités vers la Lune. Le 27 janvier 1967, c'est l'incendie, au Cape Canaveral, de la première cabine Apollo: cet accident provoque la mort des trois astronautes qui composaient son équipage et qui se trouvaient à bord pour une ultime répétition. Le 24 avril 1967, c'est le retour dramatique en chute libre du nouveau vaisseau Soyouz, après une mission mouvementée sur orbite: le Soyouz-1 était testé par un cosmonaute chevronné, Vladimir Komarov. Tant la cabine Apollo que le vaisseau Soyouz constituait l'élément-clef du véhicule spatial qui devait servir au voyage lunaire: c'est la partie habitable, destinée à faire revenir les hommes de la Lune!

 

Apollo 8 (Crédit NASA)

 
En 1968, la compétition atteint son paroxysme. Les Soviétiques sont confrontés à de sérieux problèmes dans la mise au point de leur fusée géante N 1 (105 m de haut, 2.700 tonnes au décollage). Les Américains, s'appuyant sur le savoir-faire de Wernher von Braun, parviennent à faire voler le 6 novembre 1967 la première super-fusée Saturn V (un mastodonte de 110 m de haut, de 2.900 tonnes au décollage), qui doit leur permettre une expédition habitée sur la Lune. Du côté de l'URSS, on cherche à bluffer avec des capsules Zond (avec des animaux divers) qui contournent la Lune puis reviennent sur Terre. Ainsi sont testées Zond-4 en mars 1968, puis Zond-5 en septembre, et Zond-6 en novembre. A l'issue du retour, pourtant brutal, de Zond-6 sur le territoire soviétique, le communiqué officiel de Moscou parle de succès. Ce qui laisse supposer que le vaisseau Zond est qualifié pour emmener un équipage...

Durant l'été 2008, la NASA donne secrètement son feu vert pour préparer le vaisseau Apollo (qui n'est pas encore allé dans l'espace !) en vue d'une mission autour de la Lune lors de son deuxième vol à la fin de l'année. Elle croit savoir, d'après des observations de satellites-espions et des informations de la CIA (Central Intelligence Agency), qu'un vaisseau Zond avec deux cosmonautes à son bord pourrait être lancé au début de décembre. Juste avant que ne décollent les trois astronautes du vol Apollo-8!

C'est vrai qu'en URSS, on s'affaire… D'une part, les cosmonautes Valery Bykovski et NikolaÏ Roukavichniko, d'autre part, Pavel Popovitch et Vitali Sevastianov forment les deux équipages qui se sont entraînés à effectuer un survol de notre satellite naturel. Ils sont sur le cosmodrome de Baïkonour et se déclarent prêts à prendre place au sommet d'une fusée Proton, dont la fiabilité n'est pas garantie à 100 %. Les Soviétiques sont-ils prêts à faire l'impasse sur la sécurité de leurs cosmonautes? Finalement, le Kremlin joue la carte de la prudence et annule " in extremis " l'opération trop risquée qui se préparait.

Les Américains, de leur côté, ignorent tout de la décision russe. Mais ne sont-ils pas en train de prendre tous les risques pour être les premiers autour de la Lune ? Le vaisseau triplace américain n'était guère rôdé. Il fut testé en octobre lors d'un premier vol avec équipage... autour de la Terre. Quant à la Saturn V géante de Wernher von Braun, c'était une fusée complexe qui ne pouvait pas encore être déclarée fiable à près de 100 %. L'industrie américaine allait mettre tout en oeuvre pour réussir la mission Apollo 8, très risquée, autour de la Lune.

Le 21 décembre, trois astronautes de la NASA - Frank Borman, Jim Lovell (qui allait en avril 1970 devenir l'un des héros d'Apollo 13) et Bill Anders - prenaient place dans la cabine Apollo 8 de 29 tonnes au sommet du troisième exemplaire de l'énorme Saturn V. Propulsés par cette super-puissante fusée de 110 m et de 2.600 tonnes au décollage, ils font deux tours de Terre. Le troisième étage de la fusée est réallumé pour accélérer à plus de 10 km/s (40.000 km/h) le vaisseau Apollo-8. Borman, Lovell et Anders voient s'éloigner notre planète, au point de jongler avec elle dans le hublot. La télévision nous fait participer en noir et blanc à ce merveilleux et émouvant spectacle.

 

Apollo 8 (Crédit NASA)

 
La Genèse lue au-dessus d'un astre mort

Trois jours plus tard, le trio d'évadés de notre planète se met en orbite lunaire, à quelque 400.000 km de la Terre. Quel réveillon de Noël pour trois Terriens qui survolent, à dix reprises, la surface tourmentée et désolée de la Lune! En découvrant un astre gris, lugubre, sans vie, l'astronaute Borman n'a pas oublié pas qu'il est pasteur: les trois héros d'Apollo 8 lisent à tour de rôle, lors d'un reportage télévisé en direct, le début du texte universel de la Genèse.

Ce premier vol Terre-Lune-Terre - qu'avait imaginé le romancier français Jules Verne en 1865 - se termine le 27 décembre par un superbe splashdown dans l'Océan Pacifique. C'est déjà l'apothéose à la NASA. Dans la course à l'espace, le vent a désormais tourné: l'Amérique a pris la tête de la compétition lunaire... Les premiers pas sur la Lune seront le couronnement avec le triomphe historique d'Apollo-11 en juillet 1969 : deux des trois astronautes d'Apollo 11 - Neil Armstrong et Buzz Aldrin - vont marcher sur la Lune et ramener une moisson d'échantillons de son sol (21 kg).

Par contre, aucun cosmonaute russe n'a pu observer de près le paysage lunaire. Le projet d'un survol avec deux cosmonautes est arrêté après l'audacieux succès d'Apollo 8. Priorité est donnée par le Kremlin aux préparatifs du débarquement d'un cosmonaute sur la Lune. Mais ce projet n'aboutira pas : il restera un secret bien gardé pour le public soviétique et pour le monde entier jusqu'en 1990! La fusée géante N-1 qui devait servir à expédier un vaisseau habité sur la Lune s'envole une première fois le 21 février 1969: son lancement se termine prématurément, au bout de 70 secondes. Trois autres seront testées mais sans succès. Les derniers exemplaires sont envoyés à la ferraille. Des morceaux servent à Baïkonour comme abris de rangement et de matériels sur une plaine de jeux…

Quant à la fusée Proton qui aurait pu envoyer deux cosmonautes soviétiques jusqu'à la Lune, elle a une destinée plus glorieuse. Elle est toujours en service : produite en série - un exemplaire par mois dans l'immense complexe Khrounichev à Moscou -, elle est devenue la plus sérieuse des concurrentes de la fusée européenne Ariane. Proton sert à lancer des satellites commerciaux de télécommunications et de télévision pour des opérateurs du monde entier. Son premier client a été la SES (Société Européenne des Satellites) qui est implantée au Grand Duché du Luxembourg, le seul Etat au monde qui réalise des profits dans l'espace.

 

Apollo 8 (Crédit NASA)

 
Les défis et acquis d'Apollo-8

La décision de lancer le vaisseau Apollo-8 a été prise le 14 août, mais resta confidentielle jusqu'en octobre. Elle serait officialisée après le succès de la mission Apollo-7 autour de la Terre.

- Il s'agissait du troisième exemplaire de la fusée géante Saturn V conçue par l'équipe de Werner von Braun. Le vol d'essais du deuxième exemplaire en avril 2008 avait connu de problèmes d'oscillations dangereuses, mais leur solution dut faire l'objet de tests intensifs, pour qu'on déclare la Saturn V apte à emmener des hommes dans l'espace ;

- C'était la deuxième fois qu'on faisait voler le vaisseau triplace Apollo. Mission à très hauts risques, car une panne à bord entre Terre et Lune aurait été fatale à l'équipage : sur cette trajectoire, il faut six jours pour le faire revenir !EZn avril 1970, Apollo-13, qui était sur le chemin de la Lune, fut victime d'une explosion d'un réservoir d'oxygène, avec pour résultat qu'il n'y avait plus électricité ni eau à bord : les trois astronautes firent faire preuve de sang froid et purent s'en sortir grâce aux systèmes de bord du module lunaire. Ce qui n'était pas le cas pour la mission Apollo-8 ! ;

- Frank Borman, Jim Lovell et Bill Anders furent les trois premiers Terriens à voir leur planète natale dans sa globalité et à montrer notre monde comme un vaisseau spatial, d'une beauté fragile, sur la voûte céleste. Ces trois héros furent les premiers et seuls à réveillonner autour de la Lune, faisant découvrir des levers de Terre sur l'horizon lunaire !

Dans leur sillage, ce sont 23 autres Américains qui ont eu l'occasion de survoler la Lune... entre décembre 1968 et décembre 1972.


© Théo PIRARD, SPACE INFORMATION CENTER / BELGIUM


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