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Jean-Pierre Lebreton, le Responsable scientifique et technique de la mission Cassini-Huygens pour l'ESA répond à nos questions.

Jean-Pierre Lebreton
 
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Quels sont les défis techniques et/ou technologies que vous avez du relever au moment de la conception de Cassini-Huygens ?

J.-P. Lebreton
Il faut savoir que cette mission a été imaginée avant le survol de Titan et Saturne par les sondes Voyager I et II, et c'est par après qu'elle a pris sa forme définitive.

Initialement, l'ESA et la NASA souhaitaient lancer une sonde sur Saturne depuis Cassini, tout comme la sonde qui avait été envoyée sur Jupiter depuis la mission Galileo. Mais après avoir examiné les informations envoyées par Voyager, on a tous dit qu'il fallait absolument aller plutôt sur Titan.

Nous avons eu plusieurs défis à relever. A la différence des sondes Voyager, les instruments de Cassini sont fixés sur l'orbiter et non pas sur des plates-formes articulées. Cela implique que les instruments ne pourront pas fonctionner simultanément. L'orbiter devra être dirigé en fonction des desiderata des scientifiques.

Il faut savoir que pour l'Agence spatiale européenne, c'est la première mission de rentrée. Il fallait non seulement concevoir un bouclier thermique pour protéger la sonde, mais également concevoir un système de parachute pour lui permettre d'atterrir sans causer trop de dommages à son instrumentation. Huygens n'est pas équipée de rétrofusées et encore moins d'airbags. La sonde va adapter elle-même la séquence d'ouverture de ses parachutes par rapport aux mesures qu'elle prendra au cours de sa descente.

Autre défi dans la conception, son degré d'autonomie. Il fallu concevoir un système capable de fournir l'autonomie nécessaire à la sonde tout au long de la descente à travers l'atmosphère de Titan et si possible après son atterrissage.

Mais surtout, Cassini-Huygens est la plus ambitieuse et la plus complexe des missions réalisées jusqu'ici, notamment en considérant sa longévité.

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Les problèmes de communication survenus entre Cassini et Huygens en 2001, à la suite de la détection d'un défaut de conception dans le système de communication de Huygens, sont-ils complètement résolus avec le nouveau profil de mission qui prévoit d'augmenter l'altitude de Cassini durant le fonctionnement de Huygens sur Titan ?

J.-P. Lebreton

Oui, sauf cas de force majeure, nous pouvons dire que tout fonctionne bien.

Nous saurons si tout s'est bien passé entre l'orbiteur et la sonde uniquement lorsque Cassini aura envoyé à la Terre les données fournies par Huygens, soit quelques heures plus tard !

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En cas de problème de liaison avec Cassini, Huygens pourrait-elle transmettre directement vers la Terre ?

J.-P. Lebreton
La NASA et l'ESA vont mettre entre 15 et 20 radiotélescopes en réseau de façon à essayer de détecter la porteuse du signal. En raison de la position de Titan, nous utiliserons des instruments situés aux Etats-Unis, au Japon, en Australie et peut-être même en Chine.

Cette mise en réseau des radiotélescopes n'a pas pour but de pallier à une éventuelle défaillance dans les transmissions entre Huygens et Cassini, mais bien de faire de la science. En effet, cette observation ne permet pas de décoder le train de bits, donc de recueillir les données scientifiques, car on ne peut que capter la porteuse et ses variations infimes de fréquence. Mais ce sont ces variations infimes de fréquence qui contiennent de l'information sur les vents, la trajectoire suivie, etc.

Ces observations portent donc sur des mesures des vents et de la détermination précise de la trajectoire de Huygens dans l'atmosphère de Titan et sont complémentaires des données transmises par la sonde.

Ce sera une première. Nous voulons également déterminer si des applications ultérieures de ce dispositif sont envisageables. Il s'agira aussi d'un bon test pour valider une nouvelle méthode de communication avec des sondes lointaines pour nos missions futures.

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De nombreux experts ont mis en cause la conception du bouclier thermique de Beagle-2. Existe-t-il un risque pour Huygens lors de la traversée de l'atmosphère de Titan ?

J.-P. Lebreton
A priori il n'existe pas de risques. Le bouclier à une forme identique a celui de Beagle-2, construit par EADS. Les tuiles qui le recouvrent sont de conception différente. Et puis, à la différence de Beagle-2, les équipes ont eu plus de temps pour le construire et le tester.

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Les récentes observations du sol de Titan tendent à montrer des zones émergées. Y a-t-il une action possible sur la trajectoire de Huygens de façon à choisir la zone d'atterrissage ? Au moment où la sonde se libérera de Cassini, connaîtra-t-on, même approximativement, le lieu où elle se posera, ou alors les vents de surface rendront-ils cette prévision aléatoire, voire impossible ?

J.-P. Lebreton
Non, nous ne pouvons pas choisir la région d'atterrissage. L'atterrissage sera dicté par les conditions de rentrée, c'est la trajectoire de rentrée va en définir le site. J'ai une préférence pour un atterrissage sur une surface liquide. Atterrir sur un océan liquide serait quelque chose d'extraordinaire. Rendez-vous compte !

Les vents peuvent être un problème. S'ils sont trop violents ils pourraient s'engouffrer sous les parachutes de Huygens. La sonde serait alors ballottée puis perdue.

Le principal objectif scientifique de Huygens est sa descente à travers l'atmosphère de Titan. Pour nous, nous considérerons la mission comme réussi si tous les instruments fonctionnement au moment de la rentrée et de la descente. La science qui sera menée à la surface est en quelque sorte la cerise sur le gâteau.

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La mission de Cassini doit durer 4 ans autour de Saturne. Existe-t-il un risque pour la sonde d'être percutée par de petites particules qui constituent les anneaux de la planète ? En fonction de ce risque, la sonde sera-t-elle cantonnée à une orbite éloignée ou bien tentera-t-elle de traverser au moins les anneaux les plus éloignés ?

J.-P. Lebreton
Bien que les anneaux soient somme toute assez ordonnés, on ne peut pas exclure tout risque de ce type.

Lors de sa mise en orbite, Cassini s'aventurera au plus près de la planète et traversera les anneaux, entre le F et le G, dans un espace vide. Cassini-Huygens sera au-dessus des anneaux à environ quelques milliers de km. Une position idéale pour les étudier.

Tout au long des quatre prochaines années, l'apogée de la plus grande orbite vaudra environ un tiers de la distance entre Phoebe et Saturne.

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Pour le grand public, Cassini-Huygens c'est essentiellement les anneaux de Saturne et Titan. Mais pour vous, quels satellites Saturne présentent le plus grand intérêt scientifique ? Les satellites joviens Io et son volcanisme, ou Europe et son probable océan souterrain ont-ils leurs équivalents autour de Saturne ?

J.-P. Lebreton
Oui, on pense que le satellite Encelade, qui présente des caractéristiques similaires à la lune Europe de Jupiter, renferme un océan sous sa surface gelée. 3 survols en sont prévus. Cassini examinera aussi Cryo et son volcanisme. Mais dans l'ensemble, nous allons au devant de mondes pleins de surprises et de découvertes.

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A plus long terme et considérant la faible valeur de la gravitation à la surface de Titan, une mission de retour d'échantillons est-elle envisagée ?

J.-P. Lebreton
Oui, plusieurs projets sont envisagés en direction de Titan. Parmi les plus pertinents, on peut citer une sonde en orbite polaire, un largage de landers, de ballons et d'aérostats qui évolueraient au gré des vents soufflant sur Titan, ce qui leur permettrait de couvrir de grandes distances.

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Merci pour votre éclairage et vos renseignements avisés sur cette passionnante aventure.
Nous ne manquerons pas de vous contacter quelques jours avant Noël ....

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Jean-Pierre Lebreton

Jean-Pierre Lebreton est né en France, dans la région de Chartres. Il a accompli des études Universitaires à Orléans et s'est spécialisé dans la physique des gaz ionisés et de l'environnement terrestre.

Après un Post-doctorat à l'ESTEC (le Centre technique de l'ESA aux Pays-Bas), au département de la Recherche Scientifique de 1978 à -1980, il est nommé Chercheur dans ce même service en 1980. Depuis 1984, il travaille sur la mission Cassini-Huygens, date a laquelle les premières études ont été démarrées, en collaboration entre l' ESA et la NASA.

En plus de la mission Cassini-Huygens, il travaille au développement d'instruments scientifiques pour d'autres missions spatiales. Il participe également à l'analyse et l'interprétation des résultats.

Son domaine principal de recherche est celui des études comparées des atmosphères et de l'environnement des planètes et autres corps du Système Solaire (Terre, Mars, Venus, Titan, Comètes).
 
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