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07.03.08 Interview de Jean-François Clervoy, Senior Advisor Astronaut sur le projet ATV
 
Dans tous les projets de vols habités, il y a toujours des représentants des futurs utilisateurs, en l'occurrence les astronautes. Dans le cas du programme ATV, le Centre des Astronautes Européens de l'ESA à Cologne a détaché Jean-François Clervoy qui suit son développement en qualité Senior Advisor Astronaut.

Cet astronaute de nationalité française a séjourné 3 fois dans l'espace. En 1994 à bord d'Atlantis puis en 1997 il rejoint la station spatiale russe MIR avec une navette et en 1999, il participe à une mission de maintenance du télescope spatial Hubble.

Jean-François Clervoy (STS-103)

Depuis 2006 il occupe aussi la fonction de PDG de Novespace, la filiale du CNES en charge des vols paraboliques sur l'A300 Zero-G. Lors d'un entretien qu'il nous a accordé, Jean-François Clervoy a décrit son rôle dans le développement de l'ATV, 'l'engin spatial le plus complexe jamais construit par l'industrie européenne'.

L'ATV est également le premier véhicule au monde conçu pour effectuer des rendez-vous et des arrimages opérationnels en mode purement automatisé : 'il doit atteindre une cible se déplaçant à la vitesse de 28 000 km/h à une altitude de l'ordre de 300 km, avec une précision de 10 cm et une vitesse relative inférieure à 7 cm/s'.

Depuis sa nomination en 2001 Jean-François Clervoy a suivi 'toutes les étapes du développement' de l'ATV. Son rôle n'a rien d'anodin. Il a eu un avis consultatif sur 'les interfaces homme / machine' et à de nombreuses reprises, a été amené à prendre position pour une idée au détriment d'autres, voire 'd'influencer certaines décisions' en faisant valoir son expérience des vols habités, comme on va le voir.

Il a également apporté son point de vue sur les opérations de l'engin, la sécurité 'c'est-à-dire ce sur quoi on peut déroger' et différents aspects techniques de la mission. Il a été en charge de la préparation du programme d'entraînement des astronautes en vue de l'obtention de la certification ATV.

Ergonomie

Une fois amarré à la Station, les connexions électriques, mécaniques et fluides entre l'ISS et l'ATV sont établies. L'ATV 'devient un module à part entière de l'ISS' et l'équipage peut y pénétrer pour décharger la cargaison ou activer les opérations de transfert d'eau et de gaz. Le transfert d'ergols de ravitaillement de l'ISS s'effectue par le biais de canalisations fluides et sous le contrôle exclusif des centres de contrôles russe (à Moscou) et européen (au CNES à Toulouse).

Le rôle de Jean-François Clervoy a été de penser à la façon dont sera fixé le fret à l'intérieur de l'ATV, car, ne l'oublions pas, 'les astronautes qui le déchargeront seront en apesanteur'. Il a également fallu décider 'quel partage faire entre les automatismes et ce qui est fait manuellement, entre ce qui est fait à bord et ce qui est fait sol, c'est-à-dire par l'équipage ou les spécialistes au sol par télécommande'.

Sécurité

L'ATV est un engin très complexe parce 'qu'on lui impose les contraintes de sécurité du vol habité mais sans pouvoir, contrairement à la navette, compter sur un équipage à bord pour gérer les pannes'. De fait, l'ATV a plusieurs couches de sécurité qui se surveillent mutuellement dont une ultime fait appel à du hardware et du software complètement découplé du système principal, ce qui en fait théoriquement un véhicule spatial extrêmement sûr. Revers de la médaille, cette redondance inquiète certains ingénieurs qui 'craignent le déclenchement intempestif de ces fonctions de protection rendant impossible l'amarrage de l'ATV à la Station !'

La contrainte de sécurité du vol habité peut se résumer à ces quelques mots : n'importe quelles combinaisons de 2 pannes doivent toujours résulter en une situation de sécurité pour la station et pour l'équipage.

Gardons à l'esprit que l'ATV décolle inhabité mais à l'approche de la Station 'il est surveillé par l'équipage de la Station'. Pour cela, un 'pupitre de contrôle spécifique à l'ATV' sera installé quelques jours avant son arrivée qui permettra à l'équipage d'envoyer des commandes si nécessaires.

La contrainte de sécurité du vol habité peut se résumer à ces quelques mots : n'importe quelles combinaisons de 2 pannes doivent toujours résulter en une situation de sécurité pour la station et pour l'équipage (Jean-François Clervoy)

Une originalité du projet ATV par rapport à tous les autres, 'c'est qu'il s'agit du premier projet de cette envergure qui implique une coopération à haut niveau quasiment à égalité en terme de décision opérationnelle entre les Russes, les Américains et les Européens'. Pour aller à la Station, 'il faut satisfaire aux exigences que les Russes nous imposent car on s'amarre sur la partie russe de la Station, et à celles des américains parce que c'est pour eux que l'on amène du matériel'. Rappelons qu'au travers de l'ATV, l'Agence spatiale européenne couvre la part européenne des coûts liés aux opérations nécessaires à l'ensemble de la Station.

Un logiciel de classe A

L'approche de la station doit se faire en toute sécurité pour l'équipage, 'en particulier vis à vis du risque de collision qui est l'un des principaux événements redoutés'. Pour cela, un logiciel s'exécutant sur un calculateur spécifique et indépendant du reste du véhicule surveille la phase de rendez-vous et, si nécessaire, 'prend la main sur le calculateur principal pour commander une manoeuvre d'évitement'.

Cette manoeuvre (Collision Avoidance Manoeuver), 'vise à éloigner l'ATV de l'ISS et de le positionner sur une orbite qui ne pourra croiser celle de l'ISS', tout en orientant l'ATV de façon à obtenir le maximum d'énergie de ses panneaux solaires.

Ce logiciel (le Monitoring and Safety Unit ou MSU), directement impliqué dans la sécurité de la station, satisfait 'aux exigences les plus élevées (la "classe A") des standards de développement logiciel de l'ESA'. Pour cela, il est volontairement très simple (30 000 lignes de code Ada). 'Il ne sait pas faire d'accostage et ne peut que faire une remise de gaz pour éviter une collision, si ATV arrive un peu top vite ou mal orienté'. C'est un logiciel 'hyper bétonné,' un des rares (sinon le premier) de cette classe développé par l'industrie spatiale en Europe. Le seul qui existe à ce jour est celui de la navette américaine. 'Cela signifie que toutes les lignes de codes ont été revues par des spécialistes logiciel différents de ceux qui les ont écrites. Une vérification à 100 %'.

Il peut s'enclencher automatiquement mais aussi sur commande manuelle de l'equipage ou des contrôleurs au sol.

Décisions remarquables

Une des décisions les plus remarquables de Jean-François Clervoy a été d'imposer un arrêt supplémentaire 'à 11 mètres afin de permettre a l'equipage de parfaire la lecture de la cible de rendez-vous, indispensable à leur rôle de surveillance '.

L'expérience du rendez-vous sur la navette spatiale américaine qui prévoit un dernier arrêt à 9 mètres pour la même raison a permis de convaincre les responsables de sopérations. Un autre choix important soutenu par Jean-François Clervoy a été de mettre 'à la disposition de l'équipage des commandes permettant d'inhiber le logiciel MSU de sécurité ultime, dans le cas d'un déclenchement trop près de la station où l'effet pourrait être inverse à la sécurité'.

Autre exigence forte : 'qu'on accepte de relever l'equipage de son rôle de surveillance de l'approche à moins de 1 m de la Station, sachant qu'il ne peut plus alors changer le cours des choses car l'inertie du véhicule n'empêchera plus le contact dans le cône d'accostage'. Ce choix permet à l'equipage de 'se concentrer dès le franchissement de ce dernier mètre sur les événements associés à l'amarrage (contact, capture, verrouillage) pour lesquels seul l'équipage peut agir à temps en cas d'anomalie sérieuse'.



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