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Patrice Plotard, Directeur des programmes d'exploration planétaire et de rentrée atmosphériques chez EADS Space transportation répond à nos questions sur le bouclier thermique de Huygens.

 
Flashespace
Qui, quelles firmes, sont à l'origine de ce bouclier, de sa conception jusqu'à sa réalisation finale ?

Patrice Plotard
EADS ST a toujours été le seul intervenant dans la conception et la construction du bouclier. Aucun intervenant extérieur à la société a été sollicité. Notez qu'à l'époque, EADS ST s'appelait Aérospatiale.

Flashespace
Quelle est la composition du bouclier de Huygens, et son principe de fonctionnement ? Ablatif type Apollo, ou absorbant type navette ?

Patrice Plotard
Le bouclier est composé d'un matériau de type ablatif, qui est prénommé AQ60 et qui a été développé par la France pour des applications dans le cadre de la Force stratégique. Il s'agit d'un feutre élaboré par aspiration de fibres de silice dans une matrice organique.

Flashespace
Qu'est-ce qui a conduit au choix d'un bouclier thermique de type ablatif plutôt que radiatif ?

Patrice Plotard

Au début du projet, des analyses de choix ont été faites entre différents concepts de matériaux et les deux principaux critères qui nous ont guidés dans ce choix ont été ceux de la robustesse et de la masse.

On a recherché la robustesse et donc les matériaux les plus matures dans les technologies européennes alors disponibles. Il nous a paru que les matériaux ablatifs, de ce point de vue-la, était bien meilleurs que d'autres.

Pour la densité, il était important que celle-ci soit la plus faible possible. Pour ce type de missions interplanétaires on essaye sans cesse d'économiser du poids (de la masse) sur les composants même de l'engin de façon à installer une charge scientifique et/ou des réserves en carburant plus importantes.

Le bouclier thermique

Installation d'une feuille isolante pour éviter d'exposer Huygens aux radiations solaires attendues lors de son voyage interplanétaire dans le vide spatial.

Crédit ESA


Flashespace
Avait-on le choix d'autres matériaux ?

Patrice Plotard
Oui d'autres choix s'offraient à nous, essentiellement des matériaux ablatifs.

Flashespace
Comment a-t-on déterminé sa forme, et a-t-elle été inspirée d'une mission précédente ?

Patrice Plotard
La forme du bouclier s'est inspirée des précédentes missions et notamment des capsules américaines Viking de la NASA dont le développement remonte aux années 70. Elle a toutefois été modifiée, de façon à répondre aux profils de la mission et aux objectifs spécifiques sur Titan. Des modifications ont notamment été apportées au niveau de la stabilité de l'ensemble, bouclier + sonde.

NDLR
Le projet Viking remonte à la fin des années 60 et comprenait deux engins, Viking 1 et Viking 2, composés chacun d'un orbiteur et d'un lander. Viking 1 sera lancé en août 1975 et se place autour de Mars le 19 juin 1976. Son lander se sépare de l'orbiteur le 20 juillet 1976 et se pose quelques plus tard. Quand à Viking 2, lancé le 9 septembre 1975, il se satellise autour de Mars en août 1976 et libère le lander qui atterrit le 3 septembre 1976.

Flashespace
La nature des gaz atmosphériques a-t-elle une incidence sur la température de rentrée ?

Patrice Plotard
Evidemment oui.

Flashespace
Et quelle est la température de rentrée prévue ?

Patrice Plotard
Je préfère plutôt parler en terme de flux qu'en terme de température. En effet, la température dépend pour beaucoup de la nature même des matériaux et la température de paroi, de ce fait, n'a pas beaucoup de signification.

Par contre le flux au point d'arrêt est une caractéristique de comparaison pertinente . Aujourd'hui on se situe dans la gamme 1000 à 1500 kilowatts par m².

Flashespace
La composition des gaz atmosphérique de Titan est-elle connue avec suffisamment de précision pour déterminer le profil de la mission par simulation ?

Patrice Plotard
Là, on touche une des difficultés de l'applicatif de Huygens, de plus très stratégique. On a énormément travaillé sur des outils de simulation, mais on ne peut pas dire qu'on a des modèles qui offrent une précision à 100 % pour simuler l'ensemble de la physique touchant à une rentrée dans une telle atmosphère. Toutefois, on gère l'imprécision avec une politique de marge et on a développé énormément de moyens de simulation qui nous rapprochent au mieux des conditions réelles.

Flashespace

Les dernières données fournies par Cassini-Huygens depuis sa mise a poste autour de Saturne vont-elles avoir une incidence sur la phase de descente de Huygens ?

Patrice Plotard
Oui bien sûr.

On a intégré jusqu'au dernier moment toutes les dernières connaissances de l'atmosphère de Titan et donc pris en compte les dernières données fournies par Cassini-Huygens, notamment celles acquises lors des survols de Titan par la sonde. On a travaillé avec la partie américaine du projet et refait tourner l'ensemble des modèles de sorte que l'on a géré les imprécisions avec une politique de marge extrêmement robuste.

On essaye aujourd'hui d'ajuster la trajectoire en fonction des dernières informations données par les observations de Cassini-Huygens.

Le bouclier enveloppant et la sonde Huygens

Le module de descente (la sonde Huygens) est installée à l'intérieur du buclier thermique avant que le couvercle la recouvre.

Crédit ESA


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A-t-il été possible de faire des essais en soufflerie supersonique avec la bonne composition gazeuse ou suffisamment proche pour valider les modèles de simulation CFD ?

Patrice Plotard
Oui, beaucoup d'essais en soufflerie ont été effectués. Ils ont été très nombreux tant dans le domaine supersonique que subsonique. On a également procédé à des essais aérothermodynamiques (torches à plasma par exemple) des matériaux pour valider leur tenue.

L'ensemble de ces essais a été effectué en Suède et également en France. Nos conditions de travail ont été optimales tant en terme de temps que de qualité des installations.

NDLR
La simulation CFD est une discipline de calcul scientifique qui s'occupe de l'aérodynamique et de l'aérothermodynamique.

Flashespace
Justement, était-il possible d'avoir accès aux installations américaines et russes ?

Patrice Plotard
Oui, il aurait été possible d'avoir accès aux installations américaines. Des démarches dans ce sens ont été entreprises mais on s'est heurté à un problème de budget. Les souffleries et les torches à plasma américaines sont extrêmement coûteuses quand on veut faire des prestations de service.

Quant à la Russie, la situation politique de ce pays au moment du développement du bouclier (fin 80 début 90) n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui. Les relations dans le domaine spatial n'étaient pas encore normalisées.

Flashespace

Dans le cas de la rentrée sur Titan, qu'est-ce qui est dimensionnant, le pic de flux thermique (W/m2) ou la charge thermique (Joules) ?

Patrice Plotard
Les deux, parce que c'est très dépendant de la trajectoire décrite.

Dans le cas d'une trajectoire plongeante, il va y avoir beaucoup de flux. Le plus critique dans ce profil sera la résistance des matériaux. Par contre, si vous faire une trajectoire rasante on va avoir des flux moindres, les matériaux seront donc moins mis à contribution, par contre on va absorber plus d'énergie car la durée de la rentrée est plus longue.

Ce qu'il faut chercher, c'est le bon poids d'équilibre dans la trajectoire de façon à avoir des flux qui soient supportés par les matériaux, et d'un autre côté on essaye d'avoir une charge thermique pas trop importante de façon à éviter une température à l'intérieur de la sonde trop élevée.

Flashespace

A-t-il été possible d'étudier la catalycité (la chimie dans la couche limite) ?

Patrice Plotard
Oui, des travaux dans ce domaine ont été conduits. Ce sont surtout des approches très théoriques qui ont été faites.

NDLR
La couche limite, c'est la couche de l'écoulement qui est en contact avec le profil. Dans les écoulements hypersoniques, le gaz et les atomes issus de l'ablation du bouclier sont ionisés et se recombinent entre eux selon une chimie qui n'est pas trop connue.


Flashespace

Et que pouvez-vous nous dire sur la zone d'atterrissage, sa nature et sa localisation sur Titan ?

Patrice Plotard
Pour le moment pas grand-chose. La NASA et l'ESA ont bien dessiné sur une carte la zone prévisible de l'atterrissage ou de l'amerrissage de Huygens. La région, de 400 kilomètres de diamètre présente des zones claires et foncées mais les scientifiques sont bien incapables de déterminer sa nature solide ou liquide.

Concernant la séparation de Cassini et Huygens, prévue le 25 décembre 2004, des travaux ont été faits. Le choix de la séparation dépendra de plusieurs paramètres (modèles, sciences). Une fois séparée de Cassini, on saura exactement où Huygens se posera. Il sera alors temps de discuter de la nature de la surface que rencontrera Huygens, le 14 janvier 2005.


Flashespace
Merci pour votre éclairage et vos renseignements avisés sur ce bouclier.

© flashespace.com

L'orbiter Cassini et la sonde Huygens Cassini et Huygens

Intégration de la sonde Huygens à l'orbiter Cassini de la NASA.

Crédits ESA / NASA
Patrice Plotard

Patrice Plotard est né en France. Il a accompli des études qui l'on conduit au Diplôme d'Ingénieur de l'Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics de Paris en 1983.

En 1984 il rejoint la division Lanceurs stratégiques et spatiaux d'Aérospatiale et travaillera notamment sur le projet européen d'avion spatial Hermes. Dès 1992 il est Responsable technique du dimensionnement thermomecanique du bouclier thermique de l'ARD, en 1995 il occupe cette fonction dans le cadre du développement des jupes avant et arrière des EAP, les accélérateurs à poudre fixés sur les flancs de la fusée Ariane 5. A partir de 1997 il est nommé Directeur du projet Soyouz Cluster et participera également aux missions Soyouz Globalstar.

En 2000, il est nommé Directeur du programme d'exploration planétaire chez EADS. Il est impliqué dans les projets martiens ExoMars et Mars Sample Return (programme Aurora de l'ESA) et Mars Premier / Netlander du CNES.

Depuis 2004 il est Directeur des programmes d'exploration planétaire et de rentrée atmosphérique chez EADS SPACE Transportation.
 
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