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20.04.06 OMEGA revisite l'histoire géologique de la planète Mars
 
Lors d'un entretien qu'a bien voulu nous accorder Jean-Pierre Bibring, responsable scientifique du spectromètre OMEGA embarqué sur la sonde européenne Mars Express, nous avons fait le point sur les plus récentes découvertes permises par cet instrument et leurs implications sur la problématique de la vie martienne.

Il apparait que le Noachian / Phyllosian est a période la plus propice à l'apparition de la vie sur Mars
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OMEGA (Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité)

OMEGA est un spectromètre fonctionnant dans le visible et le proche infrarouge qui combine spectrométrie et imagerie pour déterminer la composition minéralogique de la surface et la composition moléculaire de l'atmosphère martienne. Ses relevés ont déjà livré des informations significatives, voire décisives, sur le cycle de l'eau, ainsi que la couleur et l'histoire de la planète. Cet instrument va grandement contribuer à la compréhension de l'évolution de Mars à différentes échelles, depuis des temps géologiques jusqu'aux variations saisonnières.

Noachien, Hespérien et Amazonien ou Phyllosian, Theiikian et Siderikian

L'annonce faite aujourd'hui dans la revue Science revisite l'histoire géologique de la planète et des trois grandes périodes connues que sont le Noachien, l'Hespérien et l'Amazonien (périodes ici classées de la plus ancienne à la plus récente).

Avant d'aller plus loin dans l'explication, il faut savoir que la datation de ces trois âges est établie grâce à la méthode, empruntée à la Lune, de comptage de cratères. Cette méthode part du principe que plus un terrain est ancien, plus il est cratérisé. Grâce aux densités de cratères de chaque superficie, il a ainsi été établi trois périodes (citées ci-dessus), elles-mêmes divisées en sous périodes. Reste que ces âges sont des âges relatifs mais suffisants pour établir une chronologie relative des différents événements martiens.

Jean-Pierre Bibring a utilisé les données fournies par OMEGA pour diviser l'histoire de la planète en trois périodes distinctes vues à travers leur minéraux : le Phyllosian, le Theiikian et le Siderikian. En prenant en compte les processus de formation et d'altération de chaque minéral, et en particulier le rôle joué par l'eau dans cette altération, trois grandes périodes distinctes peuvent être décrites.

Siderikian

Le Siderikian représente la période la plus récente et aussi la plus longue. Elle a débuté il y a environ 3,5 milliards d'années et se caractérise par un grand pourcentage de roches contenant des minéraux qui auraient été modifiés par un lent processus d'altération atmosphérique où l'eau n'a pas joué de rôle important et global.

Le rouge de Mars

OMEGA a mis en évidence le fait que les sols rouges, que l'on voit dans les terrains les plus brillants sont dominés par des oxydes ferriques qui sont dépourvus de signature de bandes d'hydratation. Les scientifiques interprètent ces résultats par le fait que ce n'est pas de l'eau liquide qui a oxydé la surface de Mars, et donc que celle-ci n'est pas responsable de la couleur rouge de Mars.

Phyllosian et Teiikian

En revanche les deux premières ères sont des périodes où l'eau a joué un rôle important mais de façon différente. La plus ancienne, le Phyllosian, est ainsi nommée car elle se caractérise par une abondance de phyllosilicates. Elle a débuté au moment de la formation de la planète, il y a quelque 4,5 milliards d'années et a duré au maximum 500 millions d'années, bien qu'il soit difficile de déterminer une durée avec exactitude.

Démarre ensuite l'ère du Teiikian. Plus courte, cette période se caractérise par l'apparition de sulfates. Elle débute lorsque des changements climatiques, probablement dus à une l'activité volcanique à l'échelle globale, ont entraîné des conditions beaucoup plus acides où Mars est passée d'un environnement alcalin, probablement moite, à un environnement acide. À cette époque de l'eau moins persistante qu'au Phyllosian a joué un rôle dans la création de sulfates et l'activité volcanique intense a façonné la planète Mars telle que nous pouvons la voir aujourd'hui.

Phyllosilicates

La découverte d'argiles de type phyllosilicates dans les terrains les plus anciens du Noachian / Phyllosian constitue une découverte majeure du spectromètre OMEGA. Cette argile se forme sous une couche d'eau de surface, ou dans un sous-sol gorgé d'eau. Bref, sa présence démontre qu'à cette époque de l'eau liquide était disponible, en quantité et durablement, avec la capacité d'altérer les roches initiales de la planète. A l'heure actuelle, il s'agit du meilleur indice que nous ayons de la présence d'eau en abondance dans le passé de Mars.

Et si la vie est apparue sur la Planète rouge, c'est plutôt dans les terrains argileux que nous devons en rechercher les traces que dans les terrains sulfateux.

 

La problématique de la vie

Ce que révèle Jean-Pierre Bibring et son équipe, c'est que cette découverte peut avoir un impact significatif sur notre stratégie de recherche de traces de vie éteintes. Si effectivement des organismes vivants se sont formés, ces minéraux argiles apparaissent comme des niches potentielles à l'intérieur desquelles une activité biochimique aurait existé.

On a longtemps pensé qu'une certaine vie fossilisée pouvait se trouver dans des lits de rivières, des embouchures et autres vallées alluvionnaires. Or, ce n'est pas parce que l'on trouve des lits de rivières que l'on est devant des phénomènes entretenus. On peut très bien avoir des phénomènes sporadiques qui creusent des sillons sans perdurer. On pense que ces lits de rivières ne débouchent pas forcément sur ce qui a pu être des mers ou des océans pérennes. Reste que l'eau a bien débouché quelque part mais elle n'a pas pu y rester suffisamment longtemps sous forme liquide, n'ayant eu d'autre possibilité que de pénétrer dans le sol, ou de s'évaporer dans l'atmosphère.

OMEGA montre qu'au fond de ces lits de rivières et dans ses débouchés, on ne trouve pas de matériaux hydratés ce qui signifie qu'il n'y a pas eu de phénomènes entretenus qui aient pu d'une manière persistance fabriquer par altération aqueuse des roches dont on verrait encore la signature.

Reste que ces écoulements qui ont formé des sillons très profonds ont également érodé les terrains environnants. Cette érosion des flancs a pu mettre à jour des terrains bien plus anciens. C'est justement dans ces terrains érodés par des flux violents, mais également dans des terrains fortement cratérisés, qu'OMEGA a découvert ces Phyllosilicates qui n'ont pas été modifiés depuis.

Le faible niveau d'altération de surface suite à l'environnement sec et froid continu sous une atmosphère raréfiée, pourrait avoir préservé la majeure partie des traces des molécules biologiques, des structures, ou d'autres dispositifs diagnostiqués dans les roches riches en argile de la surface ou du sous-sol.

D'ores et déjà l'équipe scientifique d' OMEGA trace des cartes de ces emplacements à partir desquelles la NASA et l'ESA seraient bien inspirées d'envoyer landers et rovers. Et cela, d'autant plus que certains de ces endroits sont faciles d'accès et autorisent une activité robotique sans contrainte particulière.

Aujourd'hui, on peut dire que de l'eau sous forme liquide a bien coulé sur la surface de Mars, il y a très longtemps. Mais cela était-t-il suffisant pour soutenir une activité biologique ? Bien difficile de répondre à cette question d'autant plus que l'on ne connaît pas les conditions qui régnaient sur Terre lorsque la vie est apparue. Tous les indices de la vie primitive terrestre au-delà de 3,5 - 3,8 milliards d'années ont été effacés par la tectonique des plaques et les convulsions multiples de la croûte terrestre.

Si l'on se fie à nos connaissances de la vie terrestre, son apparition nécessite la présence conjuguée de quatre facteurs. Soit l'énergie, généralement sous forme de rayonnement solaire, le carbone, habituellement sous forme de CO, de l'eau à l'état liquide, qui est à la base de la vie, enfin un certain nombre d'éléments chimiques, principalement de l'azote, du phosphore et du soufre.

 

+ d'info

Conférence sur 'Mars vue par Mars Express' par Jean-Pierre Bibring de l'IAS (01.03.06)


   
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